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Texte de Marie - Anne Lorgé sur Shérazade 3.0


La Shéhérazade de Sophie Medawar, symboliquement incarnée par des grenades (les fruits), ne raconte plus d’histoires, ou plutôt, elles n’ont plus rien d’un conte. Lequel est à jamais figé… sous une épaisse couche de résine.




Dans le monde arabe, mais pas que, les légendaires Mille-et-une Nuits ont pris des coups, si l’on en juge au nombre croissant de militantes féministes condamnées à… 1001 jours de régime carcéral.




Le tapis n’est plus volant. Et c’est lui qui nous accueille dès l’entrée du Centre d’art Dominique Lang, à deux pas d’un monticule de petites formes en laiton, chacune façonnée comme une bouche, belle comme un bijou, sauf à savoir que c’est une «bouche prison», condamnée à se taire.




La femme, c’est le thème (ô combien) universel que Sophie Medawar, Luxembourgeoise aux racines libanaises, fait voyager dans une esthétique orientale.




C’est la femme qui absorbe le monde, la femme forte – à la longue chevelure, portraiturée à la manière de Frida Kahlo –, c’est la femme (objet, sujet) qui questionne son image, son corps et la société, tout autant que les non-dits et les tabous. En fait, la Shéhérazade 3.0 dont nous parle Sophie Medawar, c’est son double. Ou sa quête.



La preuve au premier étage de la galerie, avec un moule en cire du buste de l’artiste, entouré d’un bouquet de chardons et d’un fragment de moucharabieh (élément architectural récurrent dans l’univers de Sophie), un moule qui se consume lentement à la bougie… jusqu’au trou noir, une béance apparemment morbide mais dont la véritable lecture serait «pour être soi-même, faire tomber le masque» (voir photo).




Au rez-de-chaussée, Sophie Medawar a conservé la scénographie élaborée par Trixi Weis, avec ajout de cloisons piégeant, dans la salle principale, un couloir à illusion(s). Là, grâce à un séduisant dispositif de miroirs sans tain, grâce aussi à un chapelet de points lumineux et de lanternes d’Ali Baba, le mirage opère: au fond du tunnel, le sultan s’est perdu…




Et puis, il y a une structure emblématique, empruntée au moucharabieh, ce panneau constitué d’un maillage de petits éléments de bois qui, dans l’architecture traditionnelle des pays arabes, permet à la fois de se dérober aux regards et d’observer sans être vue.s. A ce jeu de cache-cache, Sophie superpose une autre notion, celle du confessionnal, cet isoloir clos conçu pour recueillir les confidences… qui n’ont jamais tant d’audace que filtrés par un grillage.




Le confessionnal en question a été fabriqué à l’occasion d’une biennale d’art en Inde, un pays qui a toujours fasciné Sophie, surtout le Kerala, avec sa société matriarcale… et ses messes dites en araméen. D’Inde, ledit confessionnal a pérégriné 9 mois pour débarquer brisé à Luxembourg. Fracturé en deux morceaux. Que l’artiste a recomposés, avant de les enduire de résine: linceul translucide pour une parole désormais vouée à l’éternité.




Sophie Medawar traverse les mers, les cultures, les religions. Avec, dans ses bagages, un récit, voire une mythologie, qui toujours oscille, au propre comme au figuré, entre lumière et obscurité.




Infos: Centre d’art Dominique Lang, Dudelange: Sophie Medawar, Shéhérazade 3.0, peintures, installations, jusqu’au 11 avril 2021.


Les deux expos dudelangeoises sont accessibles du mercredi au dimanche de 15.00 à 19.00h. www.centredart-dudelange.lu / www.galeries-dudelange.lu


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